Alexia Voulgaridou, la plus touchantes des Mimi
L’amateur d’art lyrique, comme le critique, est toujours avide d’entendre « ses » opéras au moins égaux, sinon mieux, que le souvenir de ses disques. Il rêve de retrouver l’émotion qu’il a ressentie à l’écoute des divas qu’il admire ou des œuvres qu’il chérit. Ainsi en est-il de La Bohème et de son emblématique Mimi. Où sont passées ses Freni, Callas, Tebaldi et autres Scotto qui hantent son oreille? Cette recherche d’absolu le pousse à voir et à revoir maintes et maintes fois les mêmes œuvres. La récompense attendue n’est malheureusement que rarement au rendez-vous mais quand elle arrive, alors…
Ainsi, lorsqu’il est donné d’entendre une Mimi aussi parfaite, aussi vraie, aussi touchante que celle entendue aux arènes d’Avenches, on range ses préjugés, ses envies jusqu’ici inassouvis et on se laisse emporter par celle dont Puccini lui-même aurait rêvé. Parce qu’Alexia Voulgaridou est la Mimi idéale. Avec une palette de couleurs vocales infinie, la voix de la soprano s’assimile tour à tour aux accents tragiques d’une Maria Callas, aux veloutés d’une Angela Gheorghiu, aux pianissimo d’une Caballé. Mais ces emprunts subtils sont loin de l’imitation. Ils ont l’esprit d’un discours vocal en intelligence avec le texte. Au premier acte, la Mimi d’Alexia Voulgaridou la montre printanière et timide. Son « Mi chiamano Mimi », d’abord retenu, révèle sa candeur. Puis, les notes susurrées dévoilent sa fragilité avant que des accents ensoleillés claironnent son désir de séduire. Quelle belle manière de se raconter à un Rodolfo sous le charme (peut-être plus de la chanteuse que du personnage). Alexia Voulgaridouest juste partout. Dans l’authenticité du chant comme dans le personnage. En 2002, elle chantait déjà Mimi sur la scène du au Festival de Bregenz. Alors qu’elle dominait déjà totalement son rôle, son interprétation actuelle dit combien la soprano a travaillé encore et encore à l’approfondissement de son personnage. Aujourd’hui, elle le rend encore plus intense, plus authentique. Le jeu de scène, comme la voix, ont pris l’illusion du naturel.
Quelle émotion, quelle présence, quelle évidente musicalité, quand, au troisième acte, elle surprend le dialogue de Marcello et Rodolfo alors que ce dernier énonce la terrible sentence de l’irréversibilité de la maladie de Mimi. Alors même qu’elle est en retrait de la scène, l’admirable expressivité de sa plainte perce discrètement le dialogue des deux amis magnifiant le drame de son existence condamnée.
Et quand au dernier acte elle agonise, elle est si prenante d’authenticité, que la magie du théâtre et l’émotion débordante de son intervention surprend les autres protagonistes. Submergés par le trouble que la soprano diffuse autour d’elle, ils se fondent dans l’instant au-delà même de la musique de Puccini. Du théâtre certes, mais porté à un point qu’il devient intimement bouleversant.
Jacques Schmitt, www.resmusica.com, July 16, 2012
Der Sopran der Voulgaridou ist geschmeidig und gefällig. Trotz der Grösse der Arena und der offenen Atmosphäre kann ihr Sopran sich ganz entfalten und er ist zu grossen Steigerungen fähig, die Stimme blüht warm auf.
Marcel Paulino, Der Neue Merker, July 17, 2012